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Actualité Algérie

Algérie: Abdelhak Lamiri au Forum Algeria-Invest “L’Algérie s’est trompée de diagnostic et de thérapie”


L’économie mondiale vit une situation des plus graves. Selon l’expert Abdelhak Lamiri, qui intervenait hier au Forum Algeria-Invest, les outils économiques existants ne sont pas adaptés à lutter contre ces évènements.

En d’autres termes, la macroéconomie moderne n’a pas de solutions à cette crise mondiale. Selon M. Lamiri, les experts sont en train de tâtonner. Ce qui fait qu’il y a un risque majeur sur les économies comme la nôtre. “La crise peut nous affecter à travers plusieurs mécanismes, notamment le mécanisme des prix pétroliers où on prévoit que si la crise continue d’ici deux à trois ans, on aura des prix beaucoup plus bas que ceux qu’on a actuellement”, explique-t-il, ajoutant qu’on aura des problèmes d’IDE, des problèmes d’exportation. Cependant, si on analyse ce qui se passe en Algérie, on a un danger en plus. Comment les pouvoirs publics ont interprété cette crise. En Algérie, on considérait que cette crise était une crise du secteur privé. “Le secteur privé est coupable.” Qu’est-ce qu’il faut faire ? Il faut retourner à la relance par le secteur public. Il faut dire que cette interprétation est rare et exceptionnelle, indique l’orateur, alors qu’il s’agit d’une  crise de la régulation publique. Et le problème qui se pose actuellement est de savoir comment mieux réguler cette économie.
“Vous avez des diagnostics chez nous qui ont interprété la crise internationale de cette manière-là, ajoutant qu’en Algérie, nous avons une croissance qui est faible et un chômage élevé. On a un déficit important dans plusieurs domaines (logement, eau…). On a un déficit dans l’utilisation des capacités. Donc, nous sommes dans une situation qui fait que nous avons une insuffisance de demande. Il faut créer la demande, et la demande, il n’y a que l’État qui puisse le faire. Et donc, on va injecter des ressources pour que l’économie reprenne. Nous avons une série de plans de relance (plan de soutien à la relance 2001-2004, le plan de consolidation et de soutien à la croissance, le plan complémentaire de soutien à la croissance).” Côté pouvoirs publics, on dit qu’on est en train de réussir parce que la croissance a augmenté à plus de 5% en moyenne. L’inflation est restée à moins de 3%, le chômage est tombé de 27 à 10%, les réserves de changes, on  a maintenant plus de 170 milliards de dollars. Donc, on est en train de réussir, et le développement n’est qu’une question de temps. Il faut seulement continuer à faire ce qu’on est en train de faire. M. Lamiri n’est pas de ceux qui partagent cet avis. “On a le même chiffre de croissance que la Corée avant la crise. Est-ce à dire que nous sommes en train de maîtriser notre destin autant que les Coréens ?” argumente l’expert.
“Il faut faire la différence entre croissance extensive et croissance expansive.” Pour être optimiste pour une économie qui a une bonne croissance, il faut que cette croissance soit le fait de l’appareil productif, ajoute-t-il. C’est-à-dire ce sont les entreprises qui font des bénéfices et qui réinvestissent une bonne partie de ces bénéfices pour produire de la croissance. Mais quand vous avez une économie qui tire sa croissance des ressources de l’État, eh bien, le jour où vous arrêtez de l’alimenter, la croissance s’arrête. Par ailleurs, quand ailleurs on injecte 1%, ce pourcentage produit 3%. C’est un appareil qui sait produire de la richesse à partir de ressources. “Chez nous, on injecte 30% du PIB pour avoir 6% de croissance. Donc vous avez un multiplicateur interne qui est négatif. On ne sait pas fabriquer de la richesse.” Pour l’expert, l’Algérie est à bout de course et tout reste à faire. “L’Algérie s’est trompée de diagnostic et de thérapie”, ajoute M. Lamiri. Pour lui, deux scénarios sont possibles. Celui de la continuité qui ne pourra produire que de la croissance extensive, tributaire des ressources de l’État. Ou celui qui consiste à adopter des politiques économiques rénovées. Des politiques qui commencent par une réorganisation de l’État, un investissement massif dans la ressource humaine, la modernisation managériale et, enfin, l’injection de ressources pour un tissu d’entreprises performantes.

LIBERTÉ 04 10 2011
Saïd Smati